Résolution 2797 du Conseil de sécurité de l'ONU sur le Sahara : Risques, opportunités et scénarios prospectifs
Analyse stratégique du vote du Conseil de sécurité de l'ONU concernant la résolution 2797 sur le Sahara
NorthAfrica Intel
11/3/202510 min temps de lecture
Résolution 2797 sur le Sahara – Analyse stratégique NAIntel #001
Introduction
Le Conseil de Sécurité des Nations Unies s'est réuni le 31 octobre 2025 à New York dans le cadre d'une réunion portant sur le renouvellement de la MINURSO.
Le conseil a adopté la résolution 2797 qui consacre l'autonomie marocaine au Sahara Occidental, par 11 voies pour, 3 abstentions et un membre (l'Algérie) n'ayant pas pris part au vote.
Les principaux acteurs concernés par cette résolution sont le Maroc, non présent lors du vote, qui promeut son plan d'autonomie, et l'Algérie, soutien du Front Polisario et de l'option référendaire, présente lors du vote en sa qualité de membre non permanent du Conseil de sécurité jusqu'au 31 décembre 2025.
L'enjeu principal résidait dans le fait que cette résolution 2797 renforcerait la position du Maroc, marginalisant la position algérienne et ouvrirait la voie soit à une poursuite des tensions entre les deux pays ou au contraire, forcerait la main des différents acteurs vers la résolution pacifique d'un différend vieux de plus de 50 ans.
Chronologie des événements récents
Le 17 octobre 2025, les États-Unis ont fait circuler un premier projet de résolution - ayant fuité sur X mais semblant avoir été supprimé depuis - qui qualifie le plan d'autonomie marocaine comme le cadre exclusif des négociations, tout en réduisant le mandat de la MINURSO à seulement trois mois.
Le 26 octobre 2025, lors de consultations à huis clos, la Russie et la Chine ont bloqué le texte initial pour des questions de reformulation, le texte étant perçcu comme "déséquilibré", notamment par la Chine. Cela a conduit à un troisième draft.
Le 30 octobre 2025, cette nouvelle version apparaît de nouveau sur X, avec une reconduction pour un mandat de 6 mois. Finalement un compromis final a été trouvé pour proroger le mandat d'un an, en qualifiant l'autonomie marocaine de "solution réaliste" tout en maintenant la mention de l'autodétermination.
Le 31 octobre 2025, la résolution 2797 a été adoptée avec 11 voix pour, 3 abstentions (Russie, Chine, Pakistan), et l'Algérie n'a pas participé au vote – Communiqué ONU.
Réseaux sociaux - la plateforme X en ébullition
Sur la plateforme X, plus de 1 200 posts ont été publiés en
48 heures concernant "Sahara Occidental ONU 2025", avec
des débats intenses sur l'interprétation de chaque terme de la
résolution, chaque camp interprétant la résolution comme une
victoire.
Les comptes pro-marocains tels @jafkesh, suivi par
30000 personnes, saluent par exemple la "résolution
la plus favorable au Maroc dans l'histoire du conflit",
tandis que ceux pro-algérien, comme @springfield_dz ,
relèvent plutôt le maintien de la MINURSO.
Sur Telegram, les canaux pro Polisario comme Sahara Press
Service diffusent des déclarations du Polisario qui dénoncent
un "recul onusien".
Perceptions de la résolution
1. Côté marocain
La résolution ne consacre par le plan d'autonomie comme "seule base" mais comme "la base" du réglement de la question, et le mandat de la MINURSO, initialement prévu pour une reconduction de 3 mois, est finalement renouvelé pour 1 an.
Cependant, cette résolution consolide de jure la souveraineté marocaine sur le Sahara, l'autonomie dans le cadre d'un État existant étant une forme d'autodétermination reconnue par l'ONU (Principe VI de la Résolution 1541 de 1960)
La situation de facto sur le terrain est déjà à l'avantage du Royaume, qui contrôle de manière effective 80% dudit territoire, les 20% restant servant de zone tampon inhabitée.
2.Côté algérien
La presse internationale a unanimement interprété la résolution comme une victoire diplomatique marocaine. En Algérie, c'est l'inverse: les médias nationaux et privés perçoivent au contraire qu'il s'agit d'une victoire de la diplomatie algérienne, qui aurait réussi à modifier la proposition de résolution américaine, voire aurait forcé son rejet par le Conseil de sécurité.
Le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, s'est félicité dans une interview le 2 novembre 2025 sur AL24NEWS du fait que le "plan d'autonomie n'est plus le cadre exclusif du réglement de la question sahraouie", révélant au passage avoir milité pour le retrait de la mention de la souveraineté marocaine dans le libellé de la résolution.
L'isolement de l'Algérie sur cet enjeu se manifeste surtout par la position de la Russie, pourtant un allié naturel, qui s'est abstenue avant tout pour ne pas voter en faveur d'une résolution mise de l'avant par le rival américain.
En n'apposant pas son véto, la Russie permet en réalité l'adoption de la résolution, ne soutenant pas au passage la position algérienne. Ceci pourrait s'expliquer par les intérêts contradictoires des deux pays sur certains dossiers internationaux, notamment au Sahel et au Soudan, par le rapprochement russe avec les Émirats via les BRICS, et justement par le froid s'étant installé entre l'Algérie et la Russie suite au rejet de la candidature algérienne aux BRICS (le MAE russe ayant expliqué les critères nécessaires à l'entrée, critères auxquels l'Algérie n'aurait visiblement pas satisfait)
Cet isolement se manifeste également par la réaction de l'Iran, pourtant plutôt favorable aux positions algériennes sur ce dossier. Via son agence de presse officielle, l'Iran a reproché à l'Algérie son refus de participer au vote. (la page a depuis été retirée, mais il est possible d'en retrouver les liens archivés - voir ci-dessous)
La Slovénie a voté en faveur de la résolution malgré les contrats gaziers conclus avec le président Tebboune lors de sa visite en mai 2025, et la Corée du Sud a suivi elle aussi, malgré la visite du chef d'État-major algérien, Saïd Chengriha, en octobre
Par son absence du vote, l'Algérie souhaitait à la fois éviter une opposition frontale aux États-Unis, porteurs de la résolution 2797, et l'affront d'une défaite évidente au compte des votes (11 à 1) qui l'aurait isolée encore plus visiblement.
Conséquences géopolitiques
1.À l'interne
Au Maroc
Le vote de la résolution 2797 a été largement fêté dans les villes du Royaume, étant accueillie comme le point d'orgue d'une lutte de 50 ans. Elle permettra de renforcer la cohésion sociale après les troubles ayant parcouru le Royaume au début du mois d'octobre (Mouvement GenZ).
Le discours du roi du Maroc, s'abstient de tout triomphalisme et le souverain tend la main à l'Algérie, dans une position de force obtenue par des années de travail diplomatique.
Dans ce même discours, le roi du Maroc évoque une accélération de la souveraineté économique, y compris par des pays abstentionnistes comme la Russie"
"Par ailleurs, la reconnaissance de la souveraineté économique du Royaume sur ses Provinces du Sud s’est largement étendue après que de grandes puissances économiques comme les Etats-Unis d’Amérique, la France, la Grande-Bretagne, la Russie, l’Espagne et l’Union Européenne ont décidé d’encourager les investissements dans ces provinces et de promouvoir les échanges commerciaux avec elles."
La résolution permettra ainsi au Maroc d'attirer encore davantage de capitaux étrangers pour des investissement directs (IDE) au Sahara.
Risques internes
L'intégration "des personnes rentrées des camps de Tindouf" avancées par le roi Mohammed VI dans son discours posera à terme des défis de taille:
quelle sera l'acceptation populaire face au retour potentiel d'anciens éléments du Polisario au sein de la communauté nationale?
comment contrer la possibilité future que ces mêmes éléments militent pour une indépendance des "provinces du Sud" dans le cadre du jeu démocratique voulu par le plan d'autonomie?
En Algérie
Le Sahara Occidental a été érigé en cause nationale en Algérie, le pays procédant à des rappels d'ambassadeur lors des reconnaissances françaises et espagnoles
Cette résolution représente une défaite évidente avec 11 voix contre 0 au Conseil de Sécurité, l'Algérie voulant se soustraire à ce résultat sans appel par une non participation au vote
Risques internes
Une telle déconvenue sur un enjeu diplomatique crucial soulèvera inévitablement des questions dans l'opinion publique algérienne, entraînant de possibles revendications quant au bien fondé du soutien (militaire, financier, diplomatique) à une cause perdante.
Le résultat pourrait entraîner une dynamique de fuite en avant, où le président Tebboune se trouve otage d'une politique étrangère revendicative qui sert principalement à des fins de politique interne, mais qu'il ne peut interrompre car cela reviendrait à reconnaître une défaite, le forçant à poser des gestes de plus en plus injustifiables du point de vue de la population.
La tournure des événements sur ce dossier crucial, à la fois un pilier de la politique étrangère algérienne et un motif de mobilisation interne contre l'ennemi extérieur, pourrait créer des fractures au sein de l'appareil militaire, certains clans voulant maintenir une ligne dure, tandis que d'autres pourraient vouloir lâcher du lest sur cette question afin de ne pas se mettre à dos la puissance américaine.
2. À l'international
De nouvelles reconnaissances bilatérales de la souveraienté du Maroc sur le Sahara pourraient émerger, car celles-ci seraient désormais consolidées par la reconnaissance multilatérale que constitue la résolution 2797.
Cette reconnaissance multilatérale permettra aux pays les plus réticents (pays scandinaves par exemple) de franchir le pas de la reconnaissance bilatérale. De plus, ces reconnaissances seront désormais moins vulnérables aux alternances démocratiques dans ces pays, puisque la proposition marocaine est désormais validée par l'ONU.
Lors de la réévaluation du mandat de la MINURSO dans 6 mois, il pourrait être question d'une non-reconduction en octobre 2026, puisque l'option du référendum n'apparaît plus explicitement dans la résolution.
Cela poserait également la question de la zone tampon représentant 20 % du territoire, avec une possible reprise par le Maroc et un retrait des casques bleus de la MINURSO.
Une pression accrue pourrait s'exercer sur Alger de la part de la communauté internationale pour procéder à un recensement des populations dans les camps de Tindouf, car la résolution stipule expressi verbis : "Notant avec une grave préoccupation l’insuffisance des fonds alloués aux réfugiés sahraouis et engageant vivement les donateurs à verser des fonds supplémentaires, tout en demandant à nouveau que les réfugiés soient dûment enregistrés"
Scénarios prospectifs
Scénario 1 : Consolidation de l'autonomie marocaine sans négociations bilatérales Probabilité: 50%
La reconnaissance multilatérale entraîne une cascade de nouvelles reconnaissances bilatérales
Marginalisation progressive du Polisario et de la position algérienne, mais absence de négociations bilatérales entre le Maroc et l'Algérie (statut quo diplomatique)
Les IDE s'accélèrent dans les phosphates et les infrastrcutures portuaires du sud marocain
Une reprise de la coopération entre la Russie et le Maroc pourrait se concrétiser, notamment en ce qui concerne la fourniture de réacteurs modulaires destinés par exemple au dessalement de l'eau de mer.
Accélération du projet de gazoduc Maroc-Nigeria.
La Chine et la Russie toléreraient cette évolution de la situation en faveur du Maroc pour des questions d'investissements stratégiques (gigafactory chinoises et accord de pêche avec la Russie), tandis que les États-Unis et l'Union européenne resteraient favorables pour les mêmes raisons (par exemple: Accord UE-Maroc sur les droits de douane).
Scénario 2 : Négociations bilatérales Maroc-Algérie (sous médiation américaine) - 25%
Imposition d'une "Pax Americana" Le conseiller du président Trump, Steve Witkoff, avait laissé entendre que des négociations étaient en cours entre le Maroc et l'Algérie sous l'égide américaine.
Le Maroc étant en position de force, faisant suite à la main tendue du roi du Maroc dans son discours du 31 octobre 2025, consent à ces négociations
L'Algérie, confrontée au risque de voir le Front Polisario reconnu comme une organisation terroriste, et donc à la possibilité réelle d'être désignée par association comme un État voyou, est contrainte de négocier.
Une coopération transfrontalière graduelle s'établit, avec réouverture des frontières et de l'espace aérien algérien aux avions immatriculés au Maroc.
Par cette démarche, les États-Unis font main basse sur les ressources naturelles des deux pays: phosphates dans le sud marocain, ressources minières en Algérie. Le marché algérien s'ouvre graduellement aux capitaux étrangers.
L'influence russe et chinoise diminue par le fait même, la région passant sous la protection américaine.
Un risque de sanctions ciblées existe en cas de blocage persistant, voire une désignation du Front Polisario comme groupe terroriste par les américains.
Scénario 3 : Escalade diplomatique et sécuritaire - Probabilité: 25%
Le Polisario, acculé, rejette les négociations et reprend la lutte armée. Risqué, car combattre le plan d'autonomie par les armes reviendrait à s'opposer à une résolution de l'ONU.
Reprise d'escarmouches frontalières, afflux de réfugiés vers la Mauritanie et les pays avoisinants.
Contagion sécuritaire au Sahel se développe via des alliances avec des mouvements jihadistes.
Le Maroc profite de cette insécurité pour récupérer la zone tampon par des moyens militaires.
Si la situation sécuritaire devait dégénérer, le pouvoir algérien pourrait in fine se désolidariser du front Polisario pour sauver la face.
Note importante : Il existe une forme d'irrationalité chez certains acteurs qui pourrait entraîner une escalade; dès lors, toute forme de prédiction est périlleuse, car elle ne tient pas compte du facteur de la psychologie humaine et du hasard des événements.
Par ailleurs, une combinaison des deux premiers scénarios est tout à fait envisageable, le Maroc poursuivant son avancée diplomatique et l'Algérie consentant à des négociations directes ou indirectes.
Éléments à surveiller
Surveiller les annonces officielles des dirigeants des deux pays et des principales puissances, pour relever une possible inflexion du discours vers tel ou tel scénario;
Surveiller l'évolution du dossier au sein de l'OUA (Union africaine), au sein de laquelle la RASD a un statut officiel, car le Maroc voudra sans doute travailler à une modification de ce statut;
Surveiller de possibles mouvements de troupes ou de convois logistiques le long du Mur de sable ou de la frontière via un outil comme Maxar;
Réactions internationales : Suivre les prochaines reconnaissances du plan d'autonomie et la dynamique d'appui ou non à des négociations entre le Maroc et l'Algérie par les pays ne s'étant pas encore prononcés sur la question (exemple: Italie, Canada). Cela pourrait indiquer un basculement encore plus poussé vers l'option de l'autonomie.
Conclusion
Risque global: FAIBLE
La tendance est à une résolution pacifique du différend, avec l'autonomie marocaine comme cadre, et un maintien du statu quo diplomatique entre le Maroc et l'Algérie.
Le prochain jalon est l'examen stratégique de la MINURSO en avril 2026.
Chaque pays devra désormais se positionner par rapport à la solution d'autonomie, désormais inscrite dans le cadre du droit international, tout en ménageant les positions des deux pays pour tenir compte de ses intérêts stratégiques des deux côtés de la frontière.
@NorthAfrica Intel
Novembre 2025
Classification : Diffusion publique
@NorthAfrica Intel




